Voici le Background d'un perso qui aura eu une vie courte...mais intense sur la fin.
Bonne lecture!
Rome, An de grâce 1197 après J-C.La pièce obscure n’était éclairée que par un unique chandelier, posé en son centre, à même le sol. Le cercle de lumière projetait sur les dalles grises l’ombre d’un homme d’Eglise, lourdement vêtu, à la manière des habitants du nord du Saint Empire, penché sur un homme, ligoté dans une chemise de nuit d’un blanc ensanglanté..
L’homme d’Eglise tournait autour du second, tel un rapace autour de sa proie…ou peut-être un chat jouant avec la souris qu’il avait capturée. Il semblait perdu dans ses songes mais sa voix imposait le respect, ce malgré le fort accent germanique qui dénotait singulièrement avec les crissements des cigales en ces terres papales romaines.« Ach, prenez acte, Mein Herr, car les mots qui vont suivre ne vous sont dévoilés que pour permettre votre totale absolution. Il faut bien tuer le temps, n’est-ce pas ? La patience fait partie des vertus, même chez les élus dont je fais partie. Votre Aura vous trahit : pour être vraiment belle, votre rédemption
DOIT être sincère !! Vous vous demandez comment je peux en être certain ? Sachez, Mein Herr, que je suis l’Instrument de Sa Volonté depuis maintenant trois ans…mais qu’il n’en a pas toujours été ainsi. Vous semblez surpris…ou est-ce la douleur ? Allons, Meinn Herr, la souffrance est le chemin de la rédemption pour les hommes…souffrez donc en silence et acceptez le poids de vos pêchés ! Vous vous doutiez bien que les richesses illusoires apportées par votre Pacte avec le Malin ne pouvaient durer éternellement : voici maintenant l’heure des comptes, et je suis simplement l’émissaire de la Justice Divine venu solder votre dette envers Dieu, rien de plus, rien de moins… ».
L’homme d’Eglise resserra le bâillon de cuir qui déchirait la bouche du supplicié. Celui-ci émit un dernier gémissement de douleur, mais devant le regard du prêtre se recroquevilla sur lui-même, en silence, terrorisé. Le prêtre se fit songeur…« Sachez que je vous comprends, néanmoins, Herr Figglianni. J’ai conscience de ce qui a tenté votre âme, de ce qui vous a poussé vers ces rituels sataniques et leurs promesses de gloire, de pouvoir et de fortune…
Oui, Mein Herr, car moi aussi, il y a peu, j’étais humain, un simple mortel parmi d’autres, soumis aux Dix Commandements et aux Lois des Saintes Ecritures…Oui, comme les autres… Ce troupeau de brebis dont tant s’égarent sur le chemin de Dieu… Maintenant je suis au dessus de tout cela, le Seigneur m’ayant gratifié, dans Son Infinie Sagesse, d’un Don qui me place au-delà de ces Lois Divines qui ne servent qu’à guider les simples mortels… Je suis désormais l’expression pure et simple de Sa Volonté directe, je suis devenu, par Sa Grâce, l’instrument de Sa Colère sur Terre pour châtier tous ceux qui, comme vous, Mein Herr, succombent aux artifices de l’antéchrist, une brebis innocente choisie par le Seigneur
POUR TRAQUER LES SUPPOTS DE SATAN ET SAUVER LEURS AMES IMPIES AVANT L’APPLICATION DE LA SENTENCE FINALE !!!!… ».
L’homme jubilait, une lueur fanatique fit rougeoyer ses yeux et rendit son regard monstrueusement inhumain… L’homme attaché hurla de terreur. Ceci eut pour effet de calmer le prêtre, qui éclata d’un rire narquois.« Allons, allons, Mein Herr, ne me remerciez pas : il est juste que vous sentiez dans votre chair la douleur de votre rédemption, car sans sincérité, l’absolution n’aurait plus rien de sublime, ne pensez vous pas ? Ahhh…quelle beauté que l’absolution, quelle magnificence que l’expiation de ses fautes les plus infâmes… Humain, déjà, j’avais su déceler cette beauté du pardon divin… Oui, j’avais vu la magnificence des châtiments et du Pardon de Dieu… Mais je brûle les étapes… Le chemin qui m’a mené vers Dieu fut tortueux… Voyons ce dont je me souviens encore : c’était il y a à peine trois ans, mais cela me semble pourtant une éternité… ».
Le regard perdu dans le vague, le prêtre resserra machinalement les liens de cuir qui entravaient les chairs du cultiste. Il y eut un craquement d’os sinistre, suivi d’un bref cri de douleur mais qui s’étouffa aussitôt alors que l’homme d’Eglise reprenait le fil de son histoire.« Je me nomme Heinrich von Krüger. Je suis né au cœur du Saint Empire Romain, dans une province du centre de la Germanie, en une froide nuit d’hiver de l’an 1171, dans le manoir familial de la famille Krüger. Le jour de ma naissance, je fus déjà mis à l’épreuve par notre Seigneur, bien que je ne le compris que plus tard : dès mon premier souffle Dieu testait mes aptitudes à remplir la tâche qu’Il comptait m’assigner… En effet, je n’étais pas l’aîné et mon frère, Lars von Krüger, me précédait de cinq années. Etre le cadet d’une famille noble n’est pas un cadeau, je puis vous l’assurer. Ceci se confirmerait par la suite.
Si ce simple statut ne m’aurait certainement pas valu les préférences paternelles, toutes mes chances de briller un jour aux yeux de mon père, le Baron Otto von Krüger, s’éteignirent au moment même où ma mère rendait l’âme en me mettant au monde.
Je compris plus tard que ma naissance était un signe de la destinée que Dieu me réservait : j’étais né dans le sang et la peine, car ce sont les instruments du Seigneur pour apporter la paix de l’âme aux pêcheurs qui succombent aux délices du Malin… »
Un coup de pied judicieusement placé réveilla totalement Giuseppe di Figglianni, qui s’était évanoui. L’homme d’Eglise poursuivit, imperturbable.« Ma jeunesse ne fut qu’une succession d’épreuves pour tenter de me hisser à hauteur de mon frère dans l’amour paternel, mais en vain : Lars était plus grand, plus fort, plus rapide, plus violent aussi…il reprendrait le fief et ferait la fierté de notre père sur les terrains de joute. Le futur lui donna en effet raison…jusqu’au décès de mon frère lors d’un tournoi, le cerveau transpercé par un éclat de lance…mais là encore je m’égare : Lars et moi suivirent donc ensemble les enseignements de la chevalerie teutonne, jusqu’à ce que nous fûmes en âge d’être expédiés à l’étranger pour parfaire notre éducation. Si mon frère allait naturellement suivre la voie des armes et devait reprendre le fief, je serai donc relégué aux études de la Foi. C’est ainsi qu’après un voyage relativement inconfortable et d’une longueur assommante, je me retrouvais à Rome un matin de septembre de l’An de grâce 1187 de notre Ere. Je fus accueilli par l’Archevêque Emilio di Graccio, qui dirigeait d’une main de fer une congrégation religieuse jésuite, dont la rigueur n’avait rien à envier à la rudesse des entraînements de la voie de la chevalerie du Saint Empire. Au moins le climat était-il plus doux…
Je ne le savais pas encore, mais cet homme allait être mon guide vers ma destinée véritable, et je trouvais bientôt en lui le Mentor que j’avais toujours recherché chez mon père ».
L’homme s’évanouit à nouveau, cette fois sans réaction d’Heinrich, l’esprit totalement absorbé par ses souvenirs.« Une véritable passion pour l’étude de la Foi et la perfection de mon être me prit au contact de l’Archevêque di Graccio. Nos idées convergeaient sur bien des points de vue et une véritable amitié, digne d’un amour filial, nous lia très vite.
Me faisant découvrir les secrets des rouages et arcanes du pouvoir de la religion chrétienne, m’introduisant dans les chambres et antichambres des proches conseillers du Pape, avant de me recommander, à la fin de mon séminaire, au Saint Père lui-même, il fit bien plus pour mon ascension, tant sociale que spirituelle, que mon père n’aurait jamais pu le faire. Il m’enseigna surtout le secret de la confession et la beauté du pardon accordé au pêcheur, ce qui m’aida beaucoup à l’annonce du décès de mon frère… Mais très bientôt, mes études des rouages de la Foi m’amenèrent à une conclusion frustrante : l’homme est par essence un pêcheur potentiel, il succombe souvent à la tentation, cependant, les vrais pêchés, ceux qui condamnent votre âme car vous la vendez au Malin, ces pêchés là étaient très rarement punis. L’impuissance de l’Homme et de l’Eglise à lutter contre ce fléau antéchrist me révolta, et c’est pleurant des larmes de rage que je me confiais à mon Mentor, prêt à recevoir les réprimandes sur mon manque de Foi en l’Homme et en la toute puissance du Seigneur dont nous ne sommes que les brebis… »
Un sourire heureux effleura furtivement les lèvres de l’orateur, alors qu’il caressait pensivement le rubis rougeoyant de sa bague de Saint Inquisiteur... L’homme ligoté ne bougeait plus.« A ma grande surprise il n’en fut rien : cet homme à la prestance si forte, cette figure si charismatique du pouvoir de l’Eglise catholique fondit à son tour en larmes, serrant ses poings de rage, se joignant à ma fureur. Il me confia qu’il avait jadis été à ma place, et qu’en venant ce jour me présenter ainsi devant lui, je confirmais les espoirs qu’il avait placés en moi depuis mon arrivée en terres papales. Lui aussi avait pu constater l’impuissance des hommes face à la prolifération des adorateurs du malins, lui aussi avait cherché un moyen de lutter contre ceux qui vendaient leur âme au Diable…et, à moi, son plus fidèle disciple, il pouvait le confier : il avait trouvé une réponse, une solution qui de tous temps avait été devant les yeux de tous les chrétiens…une réponse fournie par Dieu lui-même : cette réponse se trouvait dans la Bible ! »
La lueur fanatique s’alluma à nouveau dans les yeux de l’inquisiteur. La ferveur de sa voix sortit l’homme ligoté de sa torpeur et malgré la douleur il ne put désormais détacher son regard de la fascinante silhouette d’Heinrich.« Ce fut pour moi une révélation. Monseigneur di Graccio m’entraîna dans les souterrains de la bibliothèque papale, afin de lire les Saintes Ecritures dans les rouleaux les plus anciens que l’Eglise avait pu découvrir, et c’est en hébreux qu’il me fit la lecture de l’histoire de Jésus Christ. Comprenant que ma connaissance de cette langue avait encore de nombreuses lacunes, il me traduisit scrupuleusement, mot à mot, ce que je reconnus comme étant la scène du Dernier repas du Christ. Devant mes yeux émerveillés, il m’apprit que, dernière la métaphore, Dieu avait ici décrit un moyen, pour des élus choisis par lui et par le biais de ses plus fervents défenseurs, de lutter contre les ravages de l’antéchrist. Il me lut alors à haute voix :
- Mangez, car ceci est ma chair…
- Buvez, car ceci est mon sang…Ma vision encore obscurcie par les barrières de ma pensée humaine, je ne vis qu’une image employée par le Christ pour annoncer sa mort prochaine et son sacrifice pour le salut des hommes… Quelle crédulité, j’en ris encore aujourd’hui ! Heureusement pour moi, mon Mentor m’ouvrit rapidement les yeux sur la véritable signification de ces paroles ! »
« En effet, Jésus ne se sacrifiait pas pour le salut des Hommes, il annonçait simplement son abandon prochain de son statut d’humain pour s’élever, lors de l’Ascension, à un Statut Supérieur, sous lequel il revint à la Pentecôte ! Et la Bible décrivait précisément le processus !! Mon mentor m’apprit alors que Dieu avait ainsi permis à certains hommes qui sauraient décrypter Ses Paroles Divines d’abandonner leur condition humaine en mourrant en tant qu’Homme pour renaître, après avoir mordu dans la chair et bu le sang d’un Elu de Dieu, sous une Forme Supérieure, afin d’être l’expression sur la terre de la Colère Divine !! Dieu choisissait donc ses soldats contre l’antéchrist !! Et il en décrivait le processus dans la Bible !! Toutes mes hésitations, ma fureur, ce sentiment d’impuissance et mes doutes s’évanouirent à l’instant même où mon Mentor se tourna vers moi… Ses cheveux flottaient légèrement bien qu’aucun souffle d’air ne parcourut alors la pièce voûtée de la bibliothèque, sa prestance semblait décuplée et il se dégageait de sa silhouette une force et un sentiment de puissance quasi divins :
- Et vois-tu, mon fils, je suis l’un d’entre eux. En cette nuit bénie, toi aussi, tu peux venir gonfler nos rangs… »
« Je n’ai que de vagues souvenirs de ce qui se passa alors : il s’entailla le bras dans un preste mouvement et repris sa lecture du rouleau hébreux, la scène était tout simplement magnifique. Subjugué par tant de beauté et de magnificence divine, j’entendis résonner dans ma tête les paroles du Christ :
- Mangez, car ceci est ma chair…
- Buvez, car ceci est mon sang…Je mordis à pleines dents dans le bras ouvert de celui qui deviendrait mon Sire à compter de cette nuit et perdis toute notion du temps et de l’espace en succombant à une extase proche de l’illumination divine ».
Haletant, l’inquisiteur reprit son souffle, la lueur bien présente dans son regard enflammé et un rictus carnassier découvrant deux canines proéminentes. Pétrifié de terreur, l’homme ligoté semblait retenir son souffle…« Et depuis ce jour, j’appartiens au Peuple de la Nuit et je lutte pour le Seigneur contre tout adorateur de l’Ange déchu, avec une certaine efficacité, comme vous avez pu le constater, Mein Herr. Rassurez-vous, nous arrivons à l’heure de votre rédemption finale. Sachez simplement, pour finir, que le Don que m’a confié mon Maître pour faire de moi l’instrument du Seigneur est également un terrible fléau pour ceux qui ne savent pas pourquoi ils ont été choisis. Mais laissons ces êtres trouver eux-mêmes leur voie pour le moment, tout comme je laisse aux Hommes le soin de trouver leur chemin vers Dieu. Je n’ai plus qu’une cause, je n’ai qu’un seul ennemi : je consacrerai le reste de mon existence à poursuivre, traquer, débusquer et détruire toutes les créatures qui auraient succombées, comme vous Mein Herr, aux appels du Diable !!
Certains pensent que les Vampyrs sont eux même l’expression de la Bête que le Diable a réveillé en l’Homme, mais ceux-là sont des IGNORANTS : notre Seigneur, dans Sa Colère contre les adorateurs de l’antéchrist nous a simplement donné les moyens de lutter efficacement contre le fléau !!… Béni soit le jour où Dieu créa les Caïnites, et que succombent ceux de mon espèce qui se fourvoieraient dans l’adoration du Malin, tout comme devra succomber chaque homme qui vendra un jour son âme au Diable ».
Le Vampire rejeta d’un geste ample la lourde houppelande qui le couvrait de la tête aux pieds, découvrant une fine rapière aux reflets d’argent qui pendait à son flanc. Il la dégaina et trancha les liens qui entravaient encore le sataniste.« Et maintenant, Mein Herr, maintenant que votre âme a confessé ses pêchés, maintenant il est l’heure pour vous de mourir en beauté... Allons :
EBLOUISSEZ-MOI ! ».
Mer 13 Juin - 20:21
